Le vendredi 23 octobre, j’ai été invitée à la table ronde « Les femmes, commoneures et contributeures des tiers-lieux » aux côtés de Giulia Custodi, architecte urbaniste féministe ; Mélia Delplanque, architecte des Saprophytes et Clothilde Gruson de l’association Chez Djouheur.
Cette table ronde a été organisée et animée par Charlotte Filbien, dans le cadre de l’événement « Tiers lieux. Le choc des cultures », qui a eu lieu les 22 et 23 octobre à la Condition Publique. Événement proposé par la Compagnie des Tiers lieux.
J’ai été invitée pour essayer de présenter une approche critique des tiers-lieux du point de vue des féminismes, mais aussi pour partager mon expérience et mon engagement au sein de l’association Chez Violette, une association féministe lilloise qui vise à favoriser l’autonomie des femmes en favorisant leurs initiatives.
Ma vision des tiers lieux
Je vous avoue que le concept des tiers-lieux me séduit depuis quelque temps. Pour moi, les tiers lieux, comme tous les lieux qui sortent des schémas traditionnels de conception de la société – emploi, maison, permettent de réfléchir et nourrir une analyse critique de ces derniers par rapport au travail, à l’économie, aux modes de gouvernances, aux rapports de pouvoir, à l’écologie, à la mixité sociale mais aussi aux discriminations qui ont lieu dans ces espaces traditionnels.
A mon sens, l’importance de ces lieux hybrides est de penser la transformation sociale et écologique, l’impact sur le territoire, les valeurs communes, la création d’une communauté qui partage des missions et des visions.
L’avantage d’un tiers lieu est celui de pouvoir imaginer une autre pratique de l’espace, d’autres scenarii de fonctionnement pour éviter de tomber dans les mêmes travers d’une société patriarcale et capitaliste.
Crédit photo : Séverine Giret
Il est bien évident que le terme « tiers lieux » recouvre des réalités et des formes multiples et complexe : ça peut être des espaces de coworking, des fablab, épiceries, ressourceries, lieux culturels etc. Pour moi, l’idée qui regroupe ces lieux est : le faire autrement, différemment, d’être dans une amélioration continue.
Néanmoins, comme nous évoluons dans une société imparfaite, on risque d’y retrouver les défauts de notre société. C’est même inévitable, car toute déconstruction est constante et permanente. Elle ne se décrète pas, elle se vie, se travaille, elle demande de rester ouvert.e, humble et authentique.
Réflexions sur les déconstructions
Dans mon parcours militant, les sujets de réflexion et de déconstruction ont été diverses. Ils le sont toujours.
En réfléchissant, aux tiers-lieux que je connais et/ou fréquente, il y a quelques sujets qui mériteraient de s’y pencher : l’entre-soi, les rapports de pouvoir et d’égo, le classisme, le racisme, le validisme, le sexisme.
Et c’est ce dernier qui nous a intéressé pendant la table ronde, même si moi, je défends un féminisme intersectionnel, donc je ne conçois pas une égalité femmes-hommes, sans une égalité entre tous les groupes opprimés.
Le terme d’intersectionnalité a été proposé par l’universitaire afroféministe américaine Kimberlé Williams Crenshaw en 1989 pour parler spécifiquement de l’intersection entre le sexisme et le racisme subi par les femmes afro-américaines.
Aujourd’hui, dans les mouvements militants, le terme d’intersectionnalité désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs dominations ou discriminations. Nos identités sont complexes et multiples et nous ne pouvons pas nous arrêter à une seule pour décrire tout un vécu.
Revenons aux tiers-lieux, on ne peut pas statuer qu’un lieu soit ouvert et accueillant de toustes, s’il n’y a aucune condition pour que ces « toustes » ne s’y pas sentent bien.
De l’importance de la mise en action
La volonté et le dire ne suffisent plus, il faut des actions et des petits pas tous les jours pour lutter contre toutes les discriminations, mais avant tout c’est utile de réfléchir ces lieux avec des personnes de différents genres, origines, classes sociales etc.
Même si ce lieu est imparfait à l’instant, il permet de penser aux rapports de pouvoir et de domination, de penser à l’horizontalité, à la prise de parole, aux modes de prises de décision, à la rémunération, à l’empowerement.
Il permet de nous interroger à comment dépasser les injonctions liées au genre et prendre en compte de manière croisée les questions de racisme, de sexisme et de classe sociale, de handicap ; prendre du recul, se poser, réfléchir, laisser la parole aux concerné.e.s. Et cette mixité seine est bénéfique pour tout le monde.